Conférence 7 : Une humanité numérique à construire entre promesses et nécessités, entre urgence et patience.
Les différentes crises, que nous avons vécues ces dernières années, ont fait croître un espoir de renouveau quasi-automatique pour le « monde d’après » dans lequel le numérique aurait une place importante à jouer. « Rien ne sera plus jamais comme avant » prédisait l’augure.
Pourtant, le débat sur le numérique était déjà bien présent dans le monde d’avant – en particulier dans son école, ses enseignants et ses apprenants – et faisait déjà couler beaucoup d’encre entre discours enthousiasmants, résistances farouches et déconvenues fracassantes, entre les potentiels des TICe et les nécessités de faire évoluer leurs contextes d’implantation. Selon nous, on a généralement tenté d’ajouter une couche technologique (un emplâtre) aux habitudes de transmission des savoirs prises à l’époque où le livre était rare.
L’école (au sens large) demande une révision bien plus profonde. D’espace « privé » en lieu et temps, elle devient plus que jamais espace d’écolage pour la société complexe, espace flexible pour un apprentissage toute la vie durant, un apprentissage à la reconstruction permanente de savoirs au sein de collectifs. Les classes inversées, les Learning-Lab, les « tiers lieux d’éducation, d’apprentissage, d’échanges, de rencontres, de découvertes, et d’expérimentations » … nous montrent le chemin mais la route sera longue. Il ne s’agit en effet pas tant d’outils, de méthodes que de changements de mentalités. La nécessité de ces changements, de ces états d’esprit est évidente, les technologies sont là au moment opportun (à la fois cause et solution, à la fois poison et remède comme dirait Socrate) … tout y est. Oui, mais quels sont alors les moteurs et les freins de l’innovation ? Les mutations seront lentes (ré-apprendre la patience à l’ère du numérique) et le danger de fossilisation des pratiques nous guette. Les enjeux sont énormes et finalement « les technologies nous ont condamnés à devenir intelligents » (M. Serres).
Marcel Lebrun, docteur en Sciences, est actuellement professeur en technologies de l’éducation et conseiller pédagogique au LLL, Louvain Learning Lab de l’UCL (Université catholique de Louvain à Louvain-la-Neuve, Belgique). Il accompagne les enseignants dans le développement de dispositifs technopédagogiques à valeurs ajoutées pour l’apprentissage. Président de l’Association Internationale de Pédagogie Universitaire (AIPU), il participe à plusieurs recherches à l’échelon national et européen, en particulier sur les effets et les conditions d’impacts des TIC sur l’apprentissage et la formation. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur les rapports entre technologies et pédagogies.
Les commentaires sont fermés.